C'est pour de rire

Je crois bien que ce sont les longs trajets en voiture que je préfère lors des voyages. Me foutre le cul dans un siège, un volant devant moi, qu'on tourne, détourne, retourne, pour aller ici et là. Peu importe le lieu où on va, finalement. C'est pas ça qui compte. C'qui compte vraiment, c'est d'y aller. Tout le processus qui consiste à se rendre d'un point A à un point B. Vous savez, c'est comme le désir : C'est pas le fulfilment l'étape la plus importante, c'est tout ce qui à trait au désir du désir. La pulsion, la frustration, l'envie, si puissante. Puis, en apothéose, "l'accomplissement" ou "la concrétisation", appelez ça comme vous voulez. Toute la dynamique en elle-même est jouissive : C'est le moment où tout est possible. Les portes sont ouvertes, les chemins pas encore bien tracés. On prend une route ou une autre. La tension monte. Au début, c'est marrant, on est frais, prêt à tout. Mettons-nous en condition. Un peu de musique, peut-être ? Choisissons les mets avec goût, en connoisseur. Les yeux, eux aussi, sont grands ouverts. On regarde, on toise, on observe jusqu'à plus soif. Le corps tout entier se transforme en un unique réceptacle. Il reçoit tout ce qu'il peut. Sens et signification. Sensibilité. Puis, au fur et à mesure que le temps s'écoule, on commence à s'impatienter. Il y a les doutes, les sautes d'humeur, les incertitudes, la solitude, la frustration, les erreurs qu'on pense avoir commises, et que sais-je d'autre encore. Est-ce qu'on va y arriver ? C'est réalisable ? C'était vraiment une bonne idée ? Les objectifs que l'on s'était mis, consciemment ou non, les avons-nous atteint ? Si oui, c'est bon. Si non, c'est la cata. Le temps est toujours limité. Impossible de tout faire. C'est là où la frustration se niche. Le désir guide les pas du marcheur, le hasard aussi, s'il existe, les "opportunités" font de même, les occasions, le temps, les astres, le vent, les dieux, les anges, les gens.

On se sent libre, heureux, mélancolique, triste, seul, ouvert, curieux, transformé, incroyable. D'immenses pouvoirs semblent surgir du tréfond de l'âme. La chair n'est plus la chair. Elle est transsubstantiée. Magnifiée. Miraculeuse. De nouveaux horizons se sont ouverts et on a jeté son corps dedans. Un doux ou saignant fracas, ça dépend des fois, des humeurs, des astres, des gens, etc.

Puis, il y a le retour. Lorsque les terres inconnues deviennent connues. Bizarrement, on s'y reconnaît dans ces plaines pourtant étrangères. On a habité les lieux. C'est un peu d'chez nous. Juste pour X jours. Temporaire. Comment ça se fait que je connais déjà ce chemin ? Les signes, l'atmosphère, sont familiers. Le hasard, qui nous mène au même endroit, un lieu désolé où ne se trouve rien de sacré, mais qu'on avait quand même mangé de tous nos yeux à l'aller, parce qu'on était dans cet état de grâce. Tout d'un coup, on se rend compte que l'endroit n'est rien d'autre qu'un espace, un espace comme un autre. Le vide, après tout. Car ce n'est pas la présence qui remplit l'espace. Ce sont les émotions, les sentiments et tout ce qui tourne autour du ressenti. Et, justement, le sentiment de déjà vu revêt à ce moment là une saveur plutôt froide. La température a descendue. Et puis, évidemment, on se perd dans les méandres. Mais cette fois-ci ce n'est plus marrant. Ce n'est plus drôle du tout. On est fatigué. On n'en peut plus. Le désir a été consommé. L'état d'esprit n'est plus le même. La magie disparaît. C'est terminé. Une parenthèse qu'il faut refermer.

Jusqu'au prochain voyage.

Déjà, la tension s'accroît. Les possibles sont possibles de nouveau. Ici ? Là ? Ailleurs ? Jusqu'à quand avant de réaliser cette nouvelle fantaisie ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire